Le loup et la brebis [pv eric & valtz + libre]

Calypso, un coude sur la table, écoutait avec un petit sourire son ami lui compter sa dernière aventure, dans les rues cendres. D'après lui, il avait échappé à la mort en lâchant par inadvertance un des objets avec lequel il jonglait sur un perle, puis avait trouvé une magnifique affaire, une bague en or pour quelques shelty's seulement, avait aidé un cavalier à circuler, avait volé une pomme sur un étal et s'était perdu pour arriver à leur point de rendez vous... La fabuleuse vie d'Éric le jongleur. Mais Calypso n'était plus dupe depuis longtemps. Elle connaissait Éric depuis bientôt deux ans, et la trahison de Matthieu les avait grandement rapproché. Elle avait apprit à le connaître, et elle savait parfaitement qu'il avait une forte tendance à l'exagération. Ils s'étaient donné rendez vous dans ce café cendre, la veille de leur retour au palais, pour discuter des détails de la représentations du lendemain. Alors que lui gesticulait dans tout les sens en lui racontant son après midi, elle même était en train de siroter avec un paille une grenadine, se retenant d'éclater de rire. C'était une sorte de jeux entre eux. Il parlait, puis elle le coupait, il faisait mine de s'offusquer, puis riait et elle le rejoignait. Lorsque Tamina, sa fiancée, ou Lyndya, son apprentie étaient avec eux, le jeux se faisait plus discret, mais ils ne s'étaient pas vu depuis une semaine, et même si il ne lui avait pas manqué, elle avouait que sa présence lui faisait du bien.

Le jongleur la regarda, intrigué qu'elle ne dise rien, et continua son monologue, enchainant sur une fête dont elle ignorait l'existence... Soupirant, elle le coupa brusquement :
- Éric, sérieusement, je n'en ai rien à faire de savoir chaque détail de ta semaine. Et plus tu en donnes, plus tu coules. Un perle qui assiste à un spectacle de rue ? De l'or pour quelques shelty's ? Et pour qui d'ailleurs ? Te perdre dans ce quartier que tu connais sur le bout des doigts ? J'ai bien peur que tu ne sois qu'un menteur.
- Quoi ?! Tu oses prétendre que je ne dis que des paroles fausses ! Se perdre quand on penses à autre chose est tout à fait possible, et ma bague est bien là ! Regarde, c'est de l'or ! Je compte demander ce soir la main de Tamina, et j'avais pour cela besoin d'une bague. Depuis trois ans que j'économise ! Et toi ? Tu as du avoir une semaine passionnante ! Raconte !
- Tu aurais du m'en parler, je t'aurais aidé à financer...
- Pas question ! Cette bague viendra uniquement de moi ! Alors, cette semaine ?

La jeune folle serra les dents, et baissa les yeux. Que pouvait-elle lui dire ? « Vois-tu, j'ai reçu une demande en mariage, faillit me suicider, finalement je vais épouser le commandant. A par ça ? Mon épaule me fait encore souffrir du salto que j'ai fait, et heureusement que j'avais croisé un guérisseur. Depuis ? Rien de passionnant, à par me soigner, penser au mariage, et comme je ne peux plus chevaucher à cause de la douleur, me balader un peu... » Au moins, ça aurait la qualité de rivaliser avec son après midi. Mais elle ne voulait pas parler de ça aujourd'hui. Surtout avec son ami. Elle ne savait pas comment il prendrait la nouvelle, et elle tenait à lui annoncer aussi tard que possible. En revanche, elle tenait à se vanter de ce salto. Elle voulait que la rumeur courre parmi les artistes, et le meilleur moyen était de commencer par Éric.
- Rien de passionnant. Chevauchées, balades, repos, et... A, si, j'ai réussit le double arrière ! Quelques bobos mais j'ai un témoin si besoin.
- Non ?! Tu es un génie ! Aucun rapport, mais c'est lui qui avait menacé de me tuer en chemin. Ce perle, avec sa capuche.
- Lui ? Tu veux que je me venges ?
- Pourquoi pas, mais sans moi. Si il me reconnaît, je suis vraiment mal. Au pire, on peut se retrouver dans la salle d'entrainement du château pour parler de demain soir.
- D'accord. J'espère en revanche que ce n'est pas un trop grand perle, sinon je vais avoir des ennuis...

Et sans un mot de plus, elle se leva, et emboita le pas à l'homme en cape, le capuchon rabattu. Si il cherchait à ne pas se faire voir, c'était plutôt le contraire. Même si le temps n'était pas lumineux, cet homme noir sautait aux yeux. Elle arriva à sa hauteur, et d'un geste ample, elle tira sur la cape, qui après une légère résistance, tomba entre ses mains.
- Pourquoi tenez vous à ce que personne ne vous remarque ? Auriez vous une amante parmi les cendres ? Ou alors une affaire louche à traiter ? Enfin, j'ai vu mieux comme accoutrement, cherchiez vous a être discret ?
Quelques rires de la part des passants autour. Quand au perle, il s'était figé, et ne semblait pas vouloir se retourner pour lui faire face. De derrière, il lui disait quelque chose, mais elle n'arrivait pas à mettre un nom sur cet homme. Les rires reprirent quand elle agita la cape avant de la renvoyer à son propriétaire. Mais là non plus, il ne tourna pas, et resta de marbre, laissant la cape tomber à ses pieds...

Cette attitude l'exaspérait. Il aurait du bouger, aurait du dire quelque chose, se manifester ! Elle venait tout juste de le ridiculiser en pleine rue cendre, il pouvait au moins la remercier en lui montrant qu'il était un peu offensé ! Faire quelque chose, et même si c'était un rire, qu'il le montre au moins ! Elle se tiendrait derrière une statue qu'il n'y aurait pas de différence. Mais peut-être n'en avait-elle pas assez dit. Peut-être voulait-il la guerre.
- En perdant votre cape, serriez vous devenu muet ? La moindre des choses lorsqu'on parle à quelqu'un, c'est de le regarder dans les...
Et la fin de sa phrase se perdit alors qu'elle se maudissait de tout les noms. *Stupide cendre. * Tout les passants retournèrent rapidement à leurs activités, la laissant seule. *Idiote ! * Et pourtant, pour la faire taire d'un coup, il fallait souvent quelque chose d'impressionnant. Ou d'inattendu. Ici, c'était plus quelque chose de terrifiant qui lui avait fait perdre ses mots. *Pourquoi a-t-il fallu que ce soit lui ? * Car le perle venait de lever sa main droite. Ou une bague unique accrochait les rayons de soleil. La bague du conseil. Réservée aux perles qui y siégeaient. Une preuve de leur immense pouvoir. Et il n'y avait qu'une personne au conseil qui avait les cheveux noirs charbons, et la beau mate sans jamais aller au soleil. Une seule personne qui l'effrayait, d'autant plus qu'elle venait de tout faire pour le mettre en colère. Elle voulait fuir en courant. Remonter le temps et effacer ces paroles. Se retrouver partout ailleurs, même au pire dans le même lieu que Faëmon... Partout sauf ici. Il venait de se retourner avec lenteur, une lueur meurtrière dans les yeux et un éternel sourire aux lèvres. Elle resta droite, et ne détourna pas le regard. *A croire que ta semaine n'est pas finie. *

- Et bien j'attends la suite de vos propos avec grande impatience.

Valtz se baladait dans la rue, se demandant comment il exécuterai ses commandes. Un meurtre, ce n’est pas anodin. Enfin on pourrait dire que ça dépend, un meurtre sur un cendres, on peut presque dire que ça l’est. Par contre, son problème c’était celui sur la conseillère. Enfin son fils. Moins dur mais les conséquences sont à peu près aussi graves. Et surtout, si c’était la conseillère, la vengeance aurait-été bien plus simple à éviter. Enfin il comptait plus ou moins sur le soutien de son associés pour l’aider à se faire oublier. En déambulant, il s’était retrouvé devant la taverne. La taverne, lieu de toutes les rencontres, et pas toujours des meilleurs. Souvent des pires mêmes. Enfin, selon les points de vues...

C’est la tête dans les nuages qu’il faillit bousculer une cendre. Et pas n’importe laquelle apparemment. D’après ses habits, c’était la folle du roi. Elle était en train de villipender un perle, en cape. Et leur altercation était en train de former un cercle de curieux. Il se recula, se mêlant au cendres, et pris le temps de la détailler. Ses atours formaient une harmonieuse mélodie de couleur, mais sa mine jurait avec celle-ci, de la colère, mais pas que. Une pointe de peur peut-être?

- En perdant votre cape, seriez-vous devenu muet ? La moindre des choses lorsqu'on parle à quelqu'un, c'est de le regarder dans les...

La pointe de peur était bien réelle. Sauf que ce n’était plus un pointe de peur, mais plutôt un rictus de terreur indicible. Il comprit bien vite, pourquoi. Le perle auquel Calypso faisait des remontrances n’était pas n’importe lequel. C’était son commanditaire, probablement le perle le plus ambitieux dans cette ville.

Il fit un petit signe discret pour se signaler à son associé, sans pour autant entamer la moindre action. Il se tint tout de même prêt à agir. Il ne désirait pas prendre parti. Ni contre celui qui l’avait payé, ni contre une cendre, quelqu’un qui partageait sa condition.

[Han c'est quand je compare ce que t'écris à ce que moi j'écris, que je vois que j'ai encore un p'tit poil de chemin à faire.]

[En effet, excuse moi de mes longs post, celui la je viens de me rendre compte qu'il prend aussi pas mal de place Tu me dis si tu veux répondre ou si je fais répondre Calypso... ]

Eric marchait à grandes enjambées. Il n'avait plus qu'une hâte, rentrer au palais, et ne remettre les pieds dans ce quartier cendre que dans très longtemps. Voire jamais, mais il avait du mal à y croire. Rien que parce qu'il devrait remettre sa récompense à cet assassin un jour ou l'autre. Si il effectuait son travail. Mais il ne lui semblait pas du genre de personne qui se défile sans un mot. Son seul soucis, c'était qu'il le trahisse, mais pour cela, il fallait déjà qu'il se rendre jusqu'au roi, ou qu'il trouve un de ses proches. Et là, ce n'était pas gagné du tout. Il était pour le moment en sécurité, abrité par son statut de perle. Il s'était arrêté dans une taverne pour prendre un verre, et même si l'alcool qu'on lui avait servit était infecte, il avait tout de même l'avantage de souler rapidement. Bien sûr, il n'avait pas bu à l'excès, mais il se sentait tout de même plus léger. Personne ne faisait attention à lui, et même si cette proximité avec la foule le troublait, il savait pertinemment qu'il n'avait pas le choix si il voulait remonter jusqu'aux escaliers. Tout aurait pu se dérouler à merveille. Il serait rentré au palais, aurait fait la cours à quelques servantes, aurait été saluer le prince ou la princesse pour faire bonne image, puis il serait partit s'entrainer un peu à la maitrise des arcades. Simple comme bonjours ! Mais bien sûr, il avait fallu qu'il passe exactement dans la même rue que la folle du roi. Elle était dans un café, accoudée à une table en train de se laisser compter fleurette par un simple cendre. Moins qu'un cendre même, un piètre jongleur qui avait manqué son numéro et avait laissé tomber une balle lorsqu'il s'était promené. Il l'avait bien sûr menacé de mort, mais il était pressé, et n'avait pas mis à exécution sa menace. En tout cas, les voir tout les deux ici confirmait deux de ses pensées. Calypso était vraiment sotte de s'attarder avec un cendre au lieu de profiter de ses relations avec les perles. Et les rumeurs au palais n'étaient bien que des sornettes de servantes. Elle ne concordaient même pas. Certaines annonçaient un mariage avec le ministre des finances, Don Ivaheris, d'autre une union avec le commandant des armées... Il n'y avait de toute façon pas cru. Le commandant avait trop de prestige pour regarder cette moins que rien. Et Faëmon, un bon ami, ne pouvait pas la connaître puisqu'il était associable.

Il avait détourné le regard et poursuivi sa route, oubliant pratiquement ce qu'il venait de voir, trop concentré par ce qu'il ferait après les trois morts. Peut-être penserait-il enfin à son mariage qui sait. Ou alors il attendrait encore. Certains au conseil se demandaient qui épouserait Aryane, et il ne voulait pas se marier avant elle. Certes, il avait juré qu'il ne tenterait jamais de la séduire, mais l'idée devenait tentante avec la mort de Werrag. La possibilité de devenir roi sans coup d'état n'était pas à négliger. Mais il n'était qu'un prétendant parmi tant d'autre, et sa place au conseil ne jouait pas pour lui sur ce terrain. Et alors qu'il pensait à sa futur fortune, à ses résolutions prochaines il sentit qu'on tirait sur sa cape, et avant qu'il n'ai pas réagir, l'attache céda, et elle se retrouva dans les mains de celui ou celle dernière lui qui avait osé faire l'affront de le perturber dans ses réflexions, et surtout de lui enlever son anonymat.
- Pourquoi tenez vous à ce que personne ne vous remarque ? Auriez vous une amante parmi les cendres ? Ou alors une affaire louche à traiter ? Enfin, j'ai vu mieux comme accoutrement, cherchiez vous a être discret ?

Sa colère naissante se cristallisa quelques instants, laissant place à la surprise et au rire intérieur. Qui aurait eu l'audace de faire cela ? Même sans le son de la voix, il n'avait pas à chercher très loin. Calypso, fou du roi. Pour une fois qu'il ne lui mettait pas tout les battons du monde dans les roues, elle même venait s'épingler à lui sans le savoir. Ironie du sort. Et ces paroles le réjouissaient au plus haut point. Si il n'avait pas reconnu cette voix arrogante et insultante, il aurait d'un claquement de doigt signifié aux gardes qui venaient d'accourir à cause de l'attroupement qui se formait qu'il voulait la mort de celle qui l'avait insulté et avait osé toucher à sa couverture. Mais c'était Calypso. Et elle venait de lui offrir une occasion vraiment unique. Il savait déjà les réponses à chacune de ses questions. Les répliques venaient toujours facilement avec elle. Caché ? Parce que tout le monde m'adore, et je dois aller vite. Amante ? Mais bien sûr, serriez vous la seule à ne pas en avoir profité ? Affaire louche ? C'est mon travail de traiter avec tout les bandits pour sauver le royaume ! Discret ? Mais et vous, folle, qui attirez l'attention sans raison ? Sauf qu'il retint ses réponses. Elle venait de lancer sa cape, qui tomba dans la poussière du sol, provoquant les rires des cendres attroupés sans raison. Et son envie de rire disparu. Dans le palais, seuls, il aurait passé l'éponge. Mais si il le faisait aujourd'hui, il perdrait sa réputation, d'autant plus qu'il venait de voir son tueur dans la foule. C'était également un moyen de lui montrer qu'il contrôlait tout, et était toujours impitoyable. Il était temps qu'il donne une leçon a cette folle. Absente depuis une semaine du conseil, les affaires avançaient bien plus rapidement sans elle. Il devait être radical en cet instant. La sanction violente ou l'absolution totale. Il prit une rapide décision. Si elle ne rajoutait rien, c'est qu'elle l'avait reconnu, et admettait qu'il était le plus puissant. Dans ce cas, il dorerait son image et lui ferait grâce. Si elle reprenait la parole une fois de plus pour l'humilier, il en ferait un cas exemplaire.

- En perdant votre cape, serriez vous devenu muet ? La moindre des choses lorsqu'on parle à quelqu'un, c'est de le regarder dans les...

*Mauvais choix ma chère. * Il leva avec autorité sa main droite, celle qui possédait le sceau du conseil. Un moyen de prouver aux gardes que lorsqu'il donnerait les ordres, il n'y aurait aucune hésitation possible. Et surtout un moyen d'éloigner les cendres qui auraient pu prendre la défense de celle qu'ils aimaient pour la plupart. Elle s'interrompit, et à travers sa colère, il afficha un sourire mauvais. C'est bon, elle comprenait enfin qu'elle était perdu. Il se retourna doucement, et on entendait plus aucun bruit. Il était temps de remettre les choses en place.
- Et bien j'attends la suite de vos propos avec grande impatience !

Aucun bruit. Il la vit déglutir. Il ne pouvait la tuer. Pas alors qu'elle avait toute la famille royale dans la poche. Mais depuis quelque temps, elle était le souffre douleur du conseil. Un peu plus ou un peu moins... Il était persuadé qu'elle continuerait sa phrase, et il fut un peu déçu à vrai dire. Elle s'était montré moins prudente. Mais il en avait largement assez pour la condamner.
- Rien ? Soit. Cendre, ne t'a t-on jamais appris à ne jamais parler à un perle sans sa permission ? Ne t'a t-on jamais dit de ne jamais les critiquer ? Qui plus est un membre du conseil, qui maintient l'ordre et la prospérité de notre royaume ! Je devrais te donner la mort, mais je suis d'humeur magnanime.

Il vit une pointe d'espoir dans ses yeux. Elle prenait espoir. Entre cela et sa mine terrifiée de tout à l'heure, il avait là le plus beau spectacle qu'elle lui ai jamais présenté. Lorsqu'il raconterait cela aux autres conseillers, ils rigoleraient bien. Pour l'instant, c'était lui qui souriait de joie. Qu'il était beau de détruire l'espoir...
- Gardes. Cinquante coups de fouet. A moins qu'elle ou quelqu'un d'autre ai quelque chose à rajouter ?

Que pouvait-elle fait, ou dire ? Elle se tenait là, droite, réussissant tout juste à contenir les tremblements qui agitaient ses mains. Refoulant son instinct de survie qui lui dictait de se frayer en courant un chemin dans la foule, pour échapper à ce que son subconscient appelait un prédateur. Un danger. Mais elle ne referait plus jamais la même erreur. La dernière fois, des tentacules de liquide bleu l’avaient jeté à terre. Et si elle voulait sauver aujourd’hui la face, elle devait éviter de se retrouver prisonnière du mage. En s’enfuyant, elle montrerait qu’elle était bien coupable, et donnerait raison au prétentieux Eric. En s’enfuyant, elle ne se battrait pas contre ce conseiller, qui avait abusé de son pouvoir. Aujourd’hui, elle devait montrer aux passants autour d’elle qu’il était possible de se battre. Même si elle partait normalement avec plus de chance qu’eux de gagner. Publiquement, il ne pouvait théoriquement rien lui faire. Après tout, il y avait probablement des espions du roi dans la foule, qui ne manquerait pas de le rapporter s’il agissait contre elle. Aryane, qui prenait de plus en plus de pouvoir, pourrait parfaitement le punir, le roi l’exclure du conseil, et Swen pourrait peut-être même la venger. Non, elle était normalement protégée, il le savait. Elle s’autorisa un sourire. Mais ne dit rien de plus. Continuer devenait plus que suicidaire. Il lui avait pourtant ordonné de le faire. Que voulait-elle ajouter après ? Elle-même ne s’en souvenait plus. Elle regrettait même amèrement d’avoir été si loin. Et ne voulait pas se ridiculiser encore. L’ambiance avait radicalement changé, et elle ne pourrait même pas prendre le ton de la plaisanterie. Elle n’avait pas assez d’audace et de courage pour reprendre et poursuivre sur le même ton une satire de celui qui la regardait dans les yeux, un regard à la limite de la folie. Un jour, elle devrait essayer de comprendre pourquoi il souriait toujours alors que ses yeux, si ils maniaient la magie, l’auraient tué, quand ses mains brûlaient de l’étrangler, et son âme de la torturer. Sans les cendres autour d’eux, sans les gardes qui venaient d’arriver, elle était persuadé qu’il l’aurait fait. Il aurait laissé son cadavre sanglant dans les rues, sans autre forme de procès. Il faudrait d’ailleurs qu’elle se méfie, il pouvait aussi le faire au détour d’un couloir dans le palais.

Son esprit s’égarait dans le silence pesant. Elle ne dirait plus rien. Un autre acte de rébellion. Elle n’écouterait pas les ordres d’un fou ambitieux et imbu de lui-même. Qui finalement se décida à prendre la parole, voyant qu’elle n’obéissait pas. Elle sentait les gardes tendus, se demandant ce qu’ils allaient bien faire de cette situation qui allait dégénérer dès que les mots sortiraient de la bouche du mage.
- Rien ? Soit. Cendre, ne t'a t’on jamais apprit à ne jamais parler à un perle sans sa permission ? Ne t'a t’on jamais dit de ne jamais les critiquer ? Qui plus est un membre du conseil, qui maintient l'ordre et la prospérité de notre royaume ! Je devrais te donner la mort, mais je suis d'humeur magnanime.

Son corps se relâcha, son souffle se détendit… Elle avait raison. Elle ne craignait rien. Eric essayait juste de ne pas briser son image, mais finalement il arrivait au même résultat. Après lui avoir adressé les reproches habituels des conseillers dès qu’elle ouvrait la bouche, les insultes des perles lorsqu’elle dansait aux bals, et un petit éloge de lui-même, il la graciait. Et même si elle aurait volontiers rajouté une couche pour souligner les défauts de ce petit discours, elle allait s’abstenir. Il avait fait comme si il ne la connaissait pas, et elle avoue qu’elle était presque vexée. Et puis, elle était également conseillère, au même titre que lui. Il faisait comme si elle n’était rien, alors qu’elle avait normalement la même part dans la réussite du royaume. Enfin, il avait fait le bon choix quand à sa condamnation, et il devait déjà lui en couter, elle ne voulait pas risquer de le faire changer d’avis. Son sourire s’étendit, avant de croiser à nouveau les yeux du mage. Et ce fut un long frisson qui la parcourut. Et un énorme doute qui la frappa comme une gifle. Quelque chose ne collait pas. Il ne devrait pas être à la limite du rire. Il n’aurait pas du jeter ce regard aux gardes pour leur rappeler qui commandait. Il n’aurait pas baissé si rapidement les bras habituellement. Il avait toujours gagné lorsque le roi était absent, et d’un coup il lui laissait la victoire ? Improbable… *Dit-le. Impossible. Il y a un piège. Fera t-il durer le suspense ?*

- Gardes. Cinquante coups de fouet. A moins qu'elle ou quelqu'un d'autre ai quelque chose à rajouter ?

Son cœur rata un battement. Avant de tambouriner à toute allure. Tandis que son esprit glissait sur les premiers mots, s’accrochant à ces dernières paroles. Quelque chose à ajouter ? Rien, en réalité, qu’il ne sache déjà. Il venait de signer sa perte, tout simplement. Le roi avait toujours détesté le fouet. Il lui ferait payer. A une condition. Il fallait qu’elle survive. Ce qui lui posait d’ailleurs une grande question. Pourquoi cinquante ? Un géographe avait un jour étudié à résistance humaine aux coups de fouets, et publié un livre que tous les perles étudiaient à l’académie, qui fixait le nombre de coup supportable en fonction de l’âge, de la qualité de vie… Et elle était largement en dessous des cinquante. En somme, il avait décidé de la tuer par « inadvertance ». Ajouté à cela sa blessure au flanc qui la faisait encore souffrir, et son bras qui reprenait petit à petit sa sensibilité, elle ne tiendrait pas. Elle sentit que les larmes avaient soudain envie de couler. *Non ! Ne lui donne pas cette joie !* Elle les refoula, et plaça sur son visage de masque de la haine pure. Pour les gardes, qui s’approchaient d’elle, en hésitant. Pour les cendres, qui ne feraient rien à coup sur. Pour le mage, qui allait regarder chaque coup comme une vengeance à tout ce qu’elle les avait empêché de faire, tout ce qu’elle avait dit, tout ce qu’elle avait fait pour ternir son image auprès du monarque… Un garde la saisi par le bras, et d’une pression, il la fit se mettre à genoux dans la poussière des rues, tandis qu’un autre attachait ses mains à un tonneau qu’il avait du trouver au coin de la rue. Ses longues mitaines bicolores qui remontaient jusqu’aux épaules juraient avec le bois usé du baril. Sans douceur, il écarta ses cheveux, révélant sa nuque pale, où l’oiseau rouge feu ressortait. Le foulard multicolore qui retenait ses cheveux les empêchèrent de tomber devant ses yeux, et elle sentit que sa robe, très simple, était déchirée jusqu'au hanches, dévoilant son dos pour le fouet. *Ainsi, tu compte mourir sans un mot. Tu ne peux tomber plus bas. Fait au moins quelque chose de remarquable ! * Le garde tira son fouet. Elle voulait lui faire mal à lui comme à Éric...

- J'ai quelque chose à rajouter. Sache que si tu oses abaisser ton fouet, le roi te le fera payer au centuple, et ta famille en souffrira, car le futur reine en sera informé. Sache que si tu porte encore ta main sur moi, c'est sur la promise du commandant que tu le feras, et je suis sûre que tu le connais bien mieux que moi. Et toi, Éric, toi qui dupe ces cendres en leur faisait croire que tu ne me connais pas, que tu n'agis que pour la justice... Savoure ces coups. Savoure les biens. Crois tu pouvoir encore porter cette bague dès que les ambassadeurs, les armures et la famille royale se seront retournés contre toi ? Savoure ta vengeance. Mais je ne mourerais pas seule, je t'emporte avec moi. Personne ne devrait souffrir de l'ambition d'un conseiller, amis cendres. Alors faites courir le bruit, qu'on le sache. Je n'ai jamais plié face aux perles, et je ne plierais pas aujourd'hui devant un mage imbu de lui même au point d'effectuer sa vengeance personnelle dans les rues.

La garde se figea un court instant, le fouet en main. Si seulement le destin avait choisit autrement... Elle aurait fait un mage parfait. Sans pratique, sans entrainement, elle savait déjà trouvé les mots pour toucher les gens, les manipuler... Il la voyait dans une autre vie, assise à sa droite au conseil, commandant les autres conseillers d'un claquement de doigt, lui chuchotant un de ses nombreux plans, allongée à ses côtés dans un lit, une alliance qu'il lui aurait offerte au doigt... Pourquoi avait-elle choisit de tout abandonné ? A cause d'elle, ils se retrouvaient ennemis, alors qu'ils se ressemblaient tellement. A cause de ce choix regrettable, il devait affronter son reflet féminin, alors qu'ils auraient pu faire quelque chose de magnifique... Elle était charmante, il l'avait déjà remarqué aux bals lorsqu'elle devenait présentable, et son dos dévoilé confirmait ses impressions. Intelligente, maligne, manipulatrice, combative... *Et tu vas la détruire. Tu n'as pas le choix. Elle est trop dangereuse en étant ton ennemie. * Et pourtant, la menace planait. Il devait en finir une bonne fois pour toute avec elle. *Quitte à te perdre ?* Sur le point, elle avait raison, si on apprenait qu'il avait commandité cet ordre, il serait déshonoré par le monarque, et perdrait sa place au conseil. Et pourtant, il tenait une occasion unique de châtier cette folle...

Mais il ne pouvait abaisser ce fouet. Pas alors que le garde hésitait, pas alors que la foule commençait à s'interroger, pas alors que son image faiblissait... Il n'était pas stupide. Il avait perdu. Il n'avait pas d'autre choix que de faire un acte de bonté en cet instant, si il voulait garder les cendres à son côté. Un plan commença à se former dans son esprit, machiavélique et sournois... Qui reposait entièrement sur les gardes. Celui qui tenait le fouet n'était pas fiable. Trop faible, il n'exécuterait pas ses ordres. En revanche, celui qui se tenait en retrait le tentait. Non pas parce qu'il avait une attitude exemplaire, ni a cause d'un regard cruel... Non, uniquement parce que que le regard qu'il jetait sur la demoiselle était bien plus concupiscent qu'il n'aurait du l'être d'ordinaire. Ce qui faisait de lui l'homme qui lui fallait. Il remarquait que tout les regards étaient à présent braqués sur lui. *Éric, tu aurais du faire acteur. Vraiment. Ils vont tous te croire. Tu es tellement doué, comme la folle d'ailleurs... *

Il éclata d'un rire pur et innocent, qui surpris tout le monde. Ils ne comprenaient pas. D'un geste, il fit signe au garde de baisser son fouet, et prit la parole d'un air rieur et enjoué.
- Calypso, vous me surprendrez toujours ! J'oublie toujours vos talent qui font de vous la folle du roi, vous arrivez même à me tirer des rires, à moi, un conseiller plutôt sérieux et travailleur. Le roi est quelqu'un de juste, qu'allez vous raconter ? Il ne punirait pas sur un coup de tête ! La blague sur le promise du commandant était bien trouvée ma chère, mais vous devrez m'expliquer de quoi je devrais me venger ! Mais ma colère vient de s'évaporer, j'oublie si souvent que chez vous tout n'est que plaisanterie. Me pardonnerez vous ?
Et il approcha du tonneau, et lui détacha les mains. Puis, il l'aida à se relever, et des qu'elle fut sur pieds, il l'enlaça comme un grand frère étreindrait sa petite sœur, ou un roi son amante... Il y eu des « ho ! » de la part des cendres qui croyaient encore au prince charmant, des rires, mais l'atmosphère se détendit soudain. Les gens reprirent leurs activités, décidant de leur laisser un moment d'intimité. Alors qu'il caressait le dos dénudé de la jeune demoiselle, il sentit qu'elle brulait d'envie de l'étrangler, et de l'injurier de tout les noms. Souriant, il fit mine d'enfouir son visage dans ses cheveux, et lui murmura à l'oreille :
- Si seulement nous étions du même côté, nous pourrions faire de magnifiques choses... Je t'aime et te déteste, mais rassure toi cet instant est pratiquement fini. Je t'ai sauvé la mise, tente de ne pas tout gâcher, ou ce sera la mort sans hésitation. Ta seule punition pour ton affront se résume à une robe déchirée et à une étreinte, je me trouve raisonnable. Ah, et ma belle, ma promesse tiens toujours. Il te suffit de demander. « Un minuscule mot, Et il lui offrira toutes les nuits du monde. » Alors ?

Savait-elle qu'en cet instant, elle jouait bien plus ? Réalisait-elle ce qu'il allait faire ? Surement pas. Ses mots sonnaient vrais -combien de fois les avaient-ils dit à une amante ?- et comme les autre elle devait succomber, se blottir dans ses bras, posé ses lèvres sur les siennes... *Elle ne le fera pas. Malheureusement, ce n'est pas une fille de joie. C'est la seule cendre qui possède un peu de dignité. Quand je lui fais cette offre, c'est comme un affront à sa personne... * La réponse mis un peu de temps à venir, mais finalement, un murmure sortit du silence, sarcastique et pourtant plein de douceur :
- Rassurez vous, pour moi il n'y a que de la haine. J'utiliserais votre promesse en temps voulu, et nous verrons bien si elle tient, mais je ne viendrais jamais dans vos bras. Maintenant, rappelez vous que j'ai une arme dans ma ceinture, et que je peux vous planter une lame dans le ventre sans que vous ne puissiez dire un mot. Lâchez moi et partez, et nous serons quitte.

Ainsi, elle avait fait son choix... Il s'écarta d'elle, souriant, et fit mine de s'éloigner, se dirigeant vers le garde qu'il avait repéré. Celui ci s'inclina, et montra un regard interrogateur. Que faire ? Il voyait également son contact dans la foule, mais celui ci semblait ébranler, comme si ce qu'il venait de voir l'avait ébranlé... *Tu viens de pratiquement tuer une demoiselle puis tu fais comme si vous étiez proche... Réaction normale.* D'un geste, il signifia au garde de le suivre dans une des ruelles, et lui parla avec l'assurance de celui qui sait qu'il est le maître.
- Elle est d'une beauté à couper le souffle, non ? Je vous l'offre. Je vous assure l'immunité complète, quoi que vous fassiez. Suivez la, et dès qu'elle sera seule, agissez.
- Mais... C'est illégal !
- Si le travail est fait, je vous assure que vous n'aurez plus à courir dans les rues cendres. Capitaine de la milice dans le quartier perle, le jeu en vaut la chandelle !
Il avait gagné. Son regarde s'illumina, et il retourna sur la place, pour suivre la folle qui s'était effondrée au sol, tandis que le jeune mage partait, avec des yeux pleins de malices, et il fallait l'avouer, une pointe de regret. Elle ne serait jamais à lui. A l'exception de la princesse, et encore, il pouvait toutes les avoir, par son pouvoir, son argent, sa beauté, ses mots... Pas elle. Pourquoi ? Pourquoi la désirait-il, pourquoi avait-il des regrets ? Pourquoi cette promesse ? Pourquoi éprouvait-il autre chose en plus qu'une haine pure ? Il voulait la faire souffrir, mais était-ce juste parce qu'elle était sa pire ennemie au conseil, ou parce qu'elle ne voulait pas se donner ? L'aimer serait pour elle la pire des souffrances...

*A méditer. *

Noté !

Calypso +18 [ajoutés](détail;message+6,histoire+4,écriture+3,ortho+2,activité+3)
Eric +17 [ajoutés](détail;message+6;histoire+4,écriture+3,ortho+2,activité+2)
Valtz +13 [ajoutés](détail;message+3,histoire+2,écriture+2,ortho+3,activité+3)