Prénom: Faëmon
Nom de Famille: Ivaheris
Age: 46 ans et des poussières
De quel côté vous trouvez vous ? Un perle bien sur ! Quelle question !
Je solicite le droit et l'honneur de revétir... la robe des gouvernant, et la fonction de ministre des finances

Caché, là bas. Dans ce coin, ne le voyez vous pas ? C'est lui, là ! Mais enfin, celui à la peau  burinée par le soleil sans raison ! Tu vois ? Toujours pas ? C'est pourtant simple ! Ses cheveux d'un brun noir sont coiffés à la perfection, sans une mèche dépassant, et sur ses tempes, on commence à voir les premiers cheveux blancs dus à son âge ! Il a des sourcils fins, des yeux sévères, sans la moindre trace d'ironie, d'un brun noisette, si mes souvenirs sont bons... Mais bon, je ne l'ai jamais approché, tant il me terrorise. Il a aussi un début de barbe qu'il a minutieusement rasé, pour laisser voir son sourire... Qui ne sourit jamais en fait !  Ses lèvres pratiquement invisibles ne bougent jamais, n'esquissent jamais un rictus ou un sourire, comme si ce ministre était insensible... On le voit juste les ouvrir lorsqu'il parle, et encore, il ne dit jamais de grandes phrases, mais quand il parle, tout le monde se tait, car on raconte que quelque soit la nature de ses paroles, elles sont toujours fines, justes et pleines d'ironies ou d'humour noir. Oui, je sais, cela ne va pas t'aider à le voir... Tu le trouveras très souvent assis, et je ne l'ai jamais vu danser, et il ne porte jamais de couleurs vives. Aujourd'hui, il a encore une tenue brune avec quelques traces de oranges pour rappeler sa robe gouvernante, un lourd manteau de fourrure pour luter contre ce froid mordant, et puis l'éternel clef du trésor, qu'il porte toujours à son cou. Non, ce n'est pas ce grand baraqué là ! Notre ministre des finances semble certes grand car il est toujours droit comme un « i », mais il est plutôt maigre, et n'a pas énormément de muscles... ce n'est pas une armure après tout !  

Son caractère ? Mais y a t-il vraiment besoin de faire une description du caractère de notre bon Faëmon ? Après tout, c'est un homme de finance, d'argent, et qui plus est un ministre, ainsi, son caractères et ses sentiments sont tout tracés ! Pragmatique et calculateur, ce banquier n'a jamais laissé aucune part aux sentiments dans sa vie et dans son travail. Toutes les décisions qu'il a prit, il les a prit avec calcul et en pesant chaque partie. Il a par exemple marié sa fille contre son avis pour son propre compte à un riche perle très âgé, tu te rends compte ? De plus, il est corrompu, et accepte facilement l'argent contre des promesses qu'il ne tient que rarement, j'en ai moi même déjà fait l'expérience. Je n'en suis pas sûre, mais on raconte qu'il lui arrive aussi de se servir dans le trésor royal, avec des précautions bien sûr pour que personne ne le sache. Notre ministre des finances a aussi des règles de vies très strictes, et sa conduite est aux yeux de tous irréprochables. Certains pensent qu'il reste fidèle à sa défunte femme, d'autres, plus nombreux, comme moi, penchent plutôt pour un calcul visant à améliorer son image... dans tous les cas, personne ne l'a jamais vu sourire ou esquisser le moindre rire, et il passe donc pour quelqu'un de trop sérieux plongé dans ses calculs d'argent. Discret, il ne se met jamais en avant, et préfère rester dans le derrière de la scène, loin des intrigues de premier plan, et c'est pour ça que tu n'avais encore jamais entendu parler de lui. Il n'a jamais été seul avec le roi, et ne communique avec lui que par rapports et compte rendus du trésor. On l'oublie donc, et rien ne lui convient plus que cela à mon avis...

- Monsieur, votre enfant viens de naître, il est en pleine forme, il...
- Fille ou garçon ?
- Une magnifique nouvelle, c'est un futur Don Ivaheris !
Un sourire illumina enfin son visage. Et si le page avait annoncé une fille, qu'aurait fait le maître de la maison ?
- Je passerais voir madame tout à l'heure. Maintenant, j'ai encore du travail, et Leurs Altesses Onchènes ne laisseront jamais passer un retard.
- B... Bien. Madame demandait aussi le nom...
- Stupide question. Faëmon, comme mon grand-père ! Allez maintenant.

¤¤

Faëmon baissa la tête. Il détestait toujours se trouver devant son père, seul. Depuis sa naissance, cet homme le terrifiait. Depuis son enfance, il avait toujours été seul. Sa nourrice couchait avec son père, et ne voyait en lui qu'un moyen de rester auprès de son amant. Elle n'avait jamais fait un geste d'affection envers lui, jamais une parole douce, juste des réprimande, des gifles, et des cris. Il n'avait pratiquement jamais vu sa mère. On la disait souriante, d'une beauté extraordinaire, et d'une gentillesse sans pareille.  Ses portraits semblaient aller dans ce sens, mais qu'en savait-il finalement ? Les seuls instants où elle le visitait, elle avait un visage fermé, des yeux larmoyants, et ne lui parlait que de ses activités, ses progrès en étude... On racontait sous cape que les époux Ivaheris ne s'étaient jamais aimé, un mariage arrangé. Qu'ils avaient ainsi réuni deux familles, deux fortunes, deux noms, et deux pouvoirs. Son père était gouvernant, sa mère mage. Ministre des affaires étrangères et professeur à l'académie. On racontait également que s'il avait été une fille, on l'aurait tué. Que son père tenait à ce qu'il ne voit pas sa mère. Il ne lui en voulait pas, comment en vouloir quand on ignore les raisons ? Son père était un personnage important, il savait ce qu'il faisait, mais tout de même, il n'aimait pas se trouver seul avec lui. Un peu de peur, de réticence... Mais cette fois, son père regardait dehors, et lui tournait le dos. Quand prendrait-il enfin la parole ? Connaissant parfaitement l'étiquette du haut de ses onze ans, il savait qu'il devait garder la tête baissée tant que son père n'aurait pas prit la parole, et n'ouvrir la bouche que lorsqu'il lui demanderait.
- Mon fils... Demain sera pour toi l'occasion de nous montrer à tous si les espoirs que nous avons mis en toi étaient justifiés. Pour ce premier jour, tu seras parfait. Toute la tenue d'un perle respectueux, le langage le plus châtié possible, des paroles censé, aucuns mots en l'air, et surtout aucuns sentiments. Suis-je clair ?
- Parfaitement père. Puis-je juste vous posez une question ?
- Bien sûr, à condition qu'elle soit pertinente et intelligente.
- C'est que... Madame ma mère est professeur à l'académie. La verrais-je donc ?
Un rictus, le sourire d'Iromadn se tord, et il se tourne pour faire face à son fils, qui pour une fois ne détourne pas son regard. Un éclair de fierté passe dans son regard, avant de se fondre dans la colère environnante.
- Tu ne rencontreras en aucun cas Madame ta mère, et nous nous sommes arrangés pour que tu aies les meilleurs professeurs qui existent de la capitale. Sur ce, je te propose d'aller préparer tes affaires, un oubli et crois le ou non, tu seras déshérité.
- Bien sûr. Merci beaucoup de votre générosité, je ne manquerais pas de suivre vos recommandations.  
Il disait surement cela car il ne voulait pas de favoritisme à l'académie, et voulais tout de même lui assurer qu'il aurait de bons professeurs. Oui, cela devait être ça, les rumeurs ne pouvaient pas être vraies ! Son père aimait forcément sa mère !

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- Mais ne comprends tu pas qu'en agissant ainsi, je m'attire la sympathie des cendres, je me fais une très belle image, et surtout, par l'influence de son frère, je deviens ministre ? Pourquoi refuses-tu ? Amalia est une jeune fille pleine de bon sens, de droiture, qui saura tenir sa place en société, qui de plus grâce à sa beauté m'ouvrira peut-être d'autres portes !
- Hum, et la suite ? Car c'est la suite qui m'intéresse mon fils. Tu l'aimes ? Elle t'aime ?
- J'étais absolument sûr que vous me poseriez cette question père ! Question piège, n'est-ce pas ! Mais rassurez vous, non, je ne l'aime pas. En revanche, un avantage, elle m'aime.
Les yeux d'Iromagn s'allumèrent d'intérêt alors que les arguments de son fils commençaient à s'accumuler dans son esprit.
- Et puis, même si elle n'est pas riche, si j'obtiens ce poste de ministre des finances, ce ne sera en aucun cas un problème ! Et même si elle est scribe, son frère avec qui elle entretient des relations très proches est un haut magistrat ! J'aurais tout, gloire, argent, puissance et relations d'un claquement de doigts !
- Faëmon, sais tu que tu ressembles beaucoup à ton ancêtre ? Crois moi, tu aurais pu faire toi aussi conseiller, tes paroles sont justes et droites.
- Mais père, c'est grâce à vous, et uniquement grâce à vous ! Et puis, rien ne dit que je ne le deviendrais pas un jour !
Deux rires, une poignée de mains conviviale... Si un jour il avait su que ses relations avec son père seraient si détendues ! Depuis qu'il avait grandi et prit de l'assurance, son père et lui s'étaient rapprochés. Quand à sa mère, il la dédaignait à présent. Ses yeux larmoyants lui faisaient honte, et sa voix douce et triste lui donnait des frissons. Un jour, il faudrait qu'il lui demande d'où lui venait cette tristesse. Mais pour le moment, il venait de réussir à convaincre son père d'épouser celle qu'il voulait. Depuis trois ans, il guettait, cherchant celle qui serait idéale. Il s'était d'abord orienté vers les mages, mais aucunes de lui convenaient. Trop sûres d'elles, trop prétentieuses, manipulatrices... Ne tenait pas à épouser une gouvernante, car il risquait d'y avoir des conflits d'intérêts. Donc il avait réfléchit, et découvert cette Amalia, qui était depuis l'académie folle amoureuse de lui, et qu'il dédaignait depuis le début. Ils se marieraient bientôt, auraient plein d'enfants... Mais surtout, il aurait grâce à son frère le ministère des finances.  

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Amalia sans robe. Son frère disgracié, sans robe. Ils allaient le couler, c'était sûr. Amalia voulait descendre dans la rue avec les autres. Son frère voulait tenter un coup d'état. Faëmon ouvrit les yeux et fixa le plafond de leur chambre. Aucune lumière, pas un bruit, juste son souffle, et celui d'Amalia.. Il regarda sans la voir son alliance. Sa décision était prise. Il tenait à rester vivant, à rester libre et important. Son père était mort depuis peu, et il venait d'hériter. Sa mère avait disparu, et il ne s'en préoccupait en aucun cas. Amalia aussi pouvait... Silencieusement, il enleva l'alliance de son doigt, la posa sur la petit table de nuit à côté de lui. Puis, il tâtonna sur cette même table, pour finalement attraper ce qu'il cherchait. Arme blanche, mais il n'avait pas d'autres choix. Tuer à main nue la femme qu'il avait tant de fois aimé le répugnait. Couteau en main, il se retourna doucement sur le lit, et repéra grâce à son souffle l'emplacement exact de sa gorge. Un coup, rapide et précis. Même pas un cri du côté de sa femme. Elle gisait, étendue dans des draps rouges sangs, tachés des larmes de Faëmon. Aujourd'hui, il avait 23 ans, il venait de tuer sa femme, de sauver son avenir. Une fille sur les bras, mais il la marierait vite, et elle disparaitrait de sa vie. Aujourd'hui, ses mains s'étaient tachées de sang pour la première fois, mais il tenait à ce que personne ne puisse l'accuser. Il suffisait qu'au petit matin, il casse un carreau, et l'affaire serait réglée. Personne ne viendrait fouiller plus -après tout, ce n'était qu'une perle de seconde zone qui venait de mourir. Son avenir était sauf, son honneur aussi... Mais il avait tué. Et désormais était seul. Se remarierait-il un jour ? Si il avait besoin d'une évolution professionnelle, oui, sans doute. Mais à la vue du corps d'Amalia, son cœur se serra. La... Pauvre. Savait-elle juste qu'il ne l'avait jamais aimé ? Si il se remariai, il le dirait à sa femme, c'était sûr. Ne jamais avoir à refaire cela une autre fois. Le meurtre était dur, et même tuer sans amour était compliqué. Dans la chambre à côté, la petite Emilie commença à pleurer. Il aurait dû suivre les conseils de son père jusqu'au bout. Ne jamais épouser Amalia, et n'avoir que des fils. Mais on ne pouvait changer le passé, seulement influencer l'avenir.

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